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samedi 16 juillet 2011

Alzheimer, tu me fais peur !



La maladie d'Alzheimer est bien-sûr très présente en maison de retraite. Elle est différentes selon le stade vers lequel la personne évolue, mais en gros, ça donne ça :

  • Au début, la personne oublie quelques petites choses. Elle perd ses affaires, ne sait plus où elle les a mises...
  • Puis, ça devient plus délicat. Elle fait ses besoins dans les coins de la pièce, range ses chaussures dans le frigidaire. Et de temps en temps, elle devient lucide, a totalement honte de ce qu'elle fait (ce qui peut se comprendre. On a beau être vieux, on veut garder un minimum de dignité !), déprime et a des crises de colère envers soi et les autres.
  • Ensuite, vient la phase que j'appellerai celle de délire. Le patient raconte n'importe quoi, fait n'importe quoi. Encore quelques moments de lucidités, plus rares cependant... Les souvenirs deviennent rares, la mémoire est de plus en plus courte. La personne peut devenir très agressive. 
  • Puis, vient la dernière phase : la personne est grabataire, ne peut plus manger toute seule, ne peut plus s'habiller, se laver, reste au lit toute la journée.
Bref, vous me direz "wahou, pas cool tout ça !", non en effet, vraiment pas !

Leçon numéro 1 : ne jamais sous-estimer la force des petites mamies anorexiques ! 

Ça faisait deux ou trois jours que mon stage avait commencé. Monique (une aide-soignante) me demande de l'aider pour la toilette de Mme C. Je rentre dans la chambre. Mme C était sur son lit, totalement recroquevillée. Elle était d'une maigreur atroce. Elle n'avait presque plus de cheveux, et n'avait que 3 dents. Sa chemise de nuit était mal-mise, elle était presque nue. Son pied était coincée dans une des barrières du lit.
"Bonjour Madame". Comme réponse, j'ai le droit à un grognement qui, d'après moi, signifiait plus du mécontentement qu'un chaleureux "bienvenue".
Monique me précise que la dame de parle plus du tout depuis environs deux ans.
Je m'attarde quelques instants sur les photos accrochées au mur. Des enfants et des petits enfants je suppose. Et tout en haut, une vieille photo en noir et blanc d'un très beau soldat et d'une magnifique femme très classe. C'était elle, il y a peut-être 60 ans... Quel changement ! (mon dieu, je ne veux pas vieillir !!!!)
J'aide donc Monique à la réalisation de la toilette. En fait, je ne fais que tenir les bras de Mme C afin qu'elle ne frappe pas l'aide-soignante.
Sa force me surprend. Elle doit faire à peine 50 kilos, et elle a plus de force que moi.
Ca me fait mal au coeur de la tenir comme ça. Elle se débat. Je n'ai pas l'impression d'être dans un établissement hospitalier. Plus dans un lieu de torture.
Soudain, Mme C approche sa tête de mon bras, et me mords. Je me retire alors brutalement mais elle attrape ma main et y enfonce ses ongles.
Réaction de Monique : "J't'avais prévenu qu'elle était brutale..."
Je m'en souviendrais, merci !

Leçon numéro 2 : ne pas oublier la double paire de gants, un tablier, des sur-chaussures et un pince-nez


Alerte ! Monique m'appelle. "Bon, Mme R s'est fait dessus. Prends un tablier, des sur-chaussures, et deux paires de gants". A ce point là ? J'vous explique le topo : Mme R, Alzheimer, très violente. Ne parle que pour dire non, ou pour insulter, est constamment nue car déchire ses habits, sa couverture est accrochée aux barrières car elle la jette, elle est encore plus maigre que Mme C, mais a encore plus de force ! C'est moche à  dire, mais je ne vois plus rien d'humain chez cette pauvre Dame. Dans sa chambre, il y a un drap blanc (enfin, il l'était...) accroché au mur. Cela m'a interpellé : "Pourquoi y a-t-il un drap sur le mur?". J'ai été choquée par la réponse : "Mme R balance sa merde contre les murs !" Oh my god !!! Chacun son délire hein !
Enfin bref, je rentre dans la chambre habillée tel un cosmonaute, avec Monique. Il y en avait partout ! Sur le lit, les barrières, le fauteuil, l'adaptable, les murs, par-terre, sur la patiente bien-sûr, son visage, ses jambes, ses mains. On fait quoi ? On lave la chambre ou la petite dame d'abord ? On a commencé par le fauteuil, puis par la dame, qui ne se laissait d'ailleurs pas vraiment faire. Je lui prends la main pour retirer tout ce qu'il y a sous ses ongles, elle me regarde droit dans les yeux et me lance un "NON" catégorique, suivi d'un très appréciable "Vas te faire foutre SALOPE!!!". En plus d'avoir les mains dans la merde, je me fais insulter !  
J'adore !
Nous avons eu beaucoup de mal à la transporter du lit vers le fauteuil. Finalement, après quelques gifles, coups de poings, morsures et insultes, nous avons réussi.
Monique n'a rien trouvé de mieux que d'asperger la pièce d'eau de Cologne pour cacher l'odeur. SUPER ! En plus de la merde, ça sent la mamie gâteuse !

Leçon numéro 3 : le lancé de couche est formellement interdit. Le local à produits ménager ne peut être utilisé comme sanitaires.


Mme J, un cadeau tombé du ciel ! Avec Mme C et Mme R, on savait qu'il fallait toujours faire attention. Avec  cette dame là, c'est totalement différent. La plupart du temps, elle est lucide. Elle aime qu'on la chouchoute, elle adore qu'on prenne soin d'elle. Elle n'est jamais vraiment naturelle dans ses actes afin de nous montrer que seule, elle ne pourra rien faire.
Quand elle n'est pas "lucide", elle fait des choses étranges. On croirait qu'elle est hantée par le diable (vous savez, comme dans ces films où le diable revient sur terre par l'intermédiaire d'une personne...). Elle est violente, insultante... Et quand elle revient à elle, elle ne se rappelle de rien du tout !

Un jour où je finissais mon service tard dans la soirée, je passe devant la porte de sa chambre à moitié ouverte. Il était environ 21h.
"Mademoiselle, s'il vous plait..." me dit-elle d'une voix tremblante, proche de l'agonie.
Je rentre donc dans sa chambre, toute souriante. "Oui Madame ! Qu'est-ce qu'il y a?"
"Je voudrais que vous m'aidiez à m'habiller pour aller me coucher s'il-vous-plait". Encore une de ses scène. Elle sait très bien s'habiller toute seule. Elle se sentait juste un peu seule. Ce que je peux comprendre !
Je lui fais donc remarquer qu'hier elle s'était très bien débrouillée toute seule, mais je reste quand même avec elle. Elle parle avec une lenteur infinie, soporifique... Je m'assoie donc dans le fauteuil à côté du lit afin de ne pas tomber de fatigue en l'écoutant.
Elle boutonne sa chemise de nuit (environ 30 secondes par bouton...).
"Pouvez-vous aller me chercher mon gilet qui est sur le bureau s'il vous plait ?"
Je lui réponds de faire un effort, que marcher jusque là-bas ne pourra pas lui faire de mal. Elle "essaie" donc de se lever du lit (toujours aussi lente), fait un pas, gémit et retombe sur le lit, à moitié en pleure, comme si "la fin était proche".
"Je n'y arrive pas ! Je ne sais plus marcher !" me dit-elle toute tristounette !
Je vais alors chercher son gilet. Je le lui donne, lui souhaite une bonne nuit, et la laisse seule dans sa chambre. Je sors de la pièce, laisse la porte à demi-ouverte et commence à me diriger vers le bureau des infirmières quand j'entends un cri derrière mon dos. Mme J était derrière moi, en face de sa chambre, elle criait comme une possédée ! Elle s'est penchée en avant, a déchiré sa couche, la balancée dans ma direction, et a couru (à une vitesse très raisonnable pour une femme de son âge) dans tout le couloir. Puis, elle est retournée dans sa chambre pour dormir. Pour une femme qui ne pouvait pas marcher la minute d'avant, je la trouve très en forme!

Quelques jours plus tard, alors que je m'occupais à retirer les champignons incrustés dans l'évier d'une salle inoccupée (un débarras qui aurait pu servir de salle de détente pour les résidents, mais bon...), Monique me demande d'aller lui chercher ses cigarettes dans son sac. ("Bien sûr Monique ! C'est vrai que ce que je fais en ce moment ne me plait pas assez, il faut en plus que je fasse ton larbin !"). Je vais donc chercher le paquet de cigarette de Monique quand je croise Mme J sortir de la petite pièce où l'on met les produits sanitaires. Elle ne dit rien, a l'air gêné. Je lui explique que ce n'est pas un lieu pour elle, elle me regarde, ne dit pas un mot, et retourne lentement dans sa chambre...
Je prends donc le paquet de Monique, et en repassant devant la petite pièce, je sens comme... l'explosion d'une fausse septique ? Une diarrhée collective en maternité ? Bref, quelque chose d'intense!!!
Je rentre donc discrètement dans la petite pièce, et admire "la chose"... Comment quelque chose d'aussi gros peut-il sortir d'une femme aussi petite ?
Je sors de la pièce, quelque peu dégoûtée ("ne tombe pas dans les pommes, ne tombe pas dans les pommes..."), et retourne à mon travail de champignons... Je tends le paquet à Monique et lui dit "au fait, il doit y avoir un problème de fausse septique, ça ne sent pas très bon dans le couloir !"
Elle va donc évaluer la situation, et trouve le trésor.
Je l'entends me dire "Je vais me fumer une clope. Commence à nettoyer cette merde, je viens t'aider à finir après". Mais c'est qu'elle est intelligente la Monique. Quand elle reviendra, j'aurais déjà fini ! Deux fois même !
"Désolée, j'en ai encore pour un bout de temps avec ses champignons, je voudrais finir ça avant de quitter !".
Et BIM ! Monique pas très contente !









Premier stage


Quoi de mieux qu'une maison de retraite pour se mettre dans le bain ? Surtout que le but de ce stage était de me familiariser avec le milieu aide-soignant. Au programme : des toilettes, des distributions de repas... Quelle joie (je précise, c'est ironique...) !!

J'étais dans un EHPAD (établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes). Pour résumer : une odeur toujours présente d'un mélange de selles, urine et produits ménager, des résidents pour la plupart tous Alzheimer,  un groupe d'aide-soignantes passant leurs journées à se plaindre de leurs horaires, de leur santé, de leur mari, de leurs enfants (de tout en fait...), une infirmière seule pour tout le service courant à longueur de journée pour ne pas laisser mourir trop tôt ces pauvres petits vieux, des escarres un peu partout (pour ceux qui n'en ont jamais vu, je vous laisse un petit aperçu : http://www.escarre.fr/soins-plaie/exemples-de-soins/a_etape1-2-3.php )... Bref, un stage fort en émotions.

Le plus dur a été de me faire accepter dans cette bande de filles. Il ne faut pas se leurrer, elles n'aiment pas les étudiantes infirmières, vouées à un avenir un peu plus aisé que le leur. Alors elles nous donnent les tâches ingrates qu'elles doivent faire, et que les infirmières ne font que pendant leurs études.

"Flavie (c'est mon prénom) ! Monsieur D. s'est fait dessus ! Y en a partout le lit, ça sent la merde jusqu'au bout du couloir. Tu peux pas y aller s'il te plait, je n'ai pas le temps (sous-entendu : je bois mon café là, j'ai pas envie d'y aller)". Oui bien-sûr Madame !!! J'aime tellement mettre mes mains dans les selles ! C'est ma plus grande passion !!! Je ferai ça avec plaisir !!! Je plaisante bien-sûr.
Au début, c'était très dur. Ce n'est pas le genre de choses qu'on a l'habitude de faire. Et puis finalement, on s'habitue à ces odeurs, elles deviennent supportables. Et puis au bout de plusieurs semaines, on ne les sent plus.

Ahhh qu'est ce qu'il ne faut pas faire pour aboutir à ses ambitions !

Mes débuts à l'école


Je suis donc rentrée à l'IFSI (institut de formation en soins infirmiers) en septembre 2010. Beaucoup d'appréhensions : je ne me suis jamais retrouvée dans une classe dont la population est essentiellement constituée de filles. Je ne me suis jamais retrouvée dans une classe où les élèves ont entre 18 et 45 ans. Vais-je me faire des amis ? J'avais des apriori sur les élèves infirmiers. Une bande de gamines écervelées pas forcément intelligentes. Je me trompais totalement. Beaucoup venaient également de médecine, d'autres venaient de secteurs totalement différents (faculté de science, bac STG, école de commerce). La plupart des personnes que j'ai rencontrées étaient sûres d'une chose : le métier d'infirmier ne peut être qu'une vocation, et ces personnes l'avaient. J'étais loin d'être la plus douée dans cette bande d'étudiants.

Pour l'ambiance ? Et bien, la promotion, comme je l'ai déjà dit, étant essentiellement composée de filles, cela fut assez difficile de s'intégrer. Les ragots et les prises de tête furent présents toute l'année. J'ai donc fait en sorte de garder mes amis hors IFSI, afin de sortir de temps en temps de ce cocon féminin.

Durant cette année, il y a eu : des périodes de cours, deux périodes de stage, et deux périodes d'examens.
Parlons des examens : Oui madame, j'ai retenu la leçon, je ne m'y mettrais plus jamais la veille ! Moi qui pensais que ces études seraient faciles ! Beaucoup d'apprentissage, des travaux à rendre, le stress des stages, la pression des professeurs... Cette année fut difficile autant en terme de travail qu'en terme de moral ! Surtout que, contrairement à beaucoup de facultés ou d'écoles qui finissent les cours en mai, voire juin, nous finissons en juillet ! Cela a bouleversé mon existence ! Quel sadisme de leur part !!! Aller en cours alors que la moitié de vos amis sont déjà en train de bronzer sur une plage dans le Sud ! Non, ça je ne peux pas l'accepter !

Il faut devenir ce que l'on est, et non ce que l'on veut


Il n'y a jamais eu de doutes pour moi. Depuis que je sais marcher, je n'ai voulu qu'une chose :
"Maman, quand je serai grande, je serai médecin !". Et je n'ai jamais changé d'avis, jusqu'à ce que je me retrouve en faculté de médecine. Tous ces gens entassés dans des amphithéâtres trop petits, ces professeurs qui font leur cours sans attendre que l'on comprenne (pas tous, je généralise, désolée), ces mauvaises notes au tutorat... Moi qui sortait de mon petit lycée privé où, grâce à mes facilités, j'avais de supers notes sans travailler, la faculté m'a totalement anéantie ! Je suis passée de l'intello de la classe à la fille totalement débordée par le travail et ne comprenant rien.

La remise en question sur mon avenir était donc plus que nécessaire. Je ne suis pas une bosseusse, je ne supporte pas le bourrage de crâne ! Les études de médecine ne sont donc pas faites pour moi. Or, mon truc, c'est la santé ! Et dans ce domaine, il n'y a pas que les médecins ! J'ai alors cherché d'autres métiers touchant au médical, des études dans lesquelles il ne fallait pas passer par cette foutue PCEM1 !!!! Et après réflexion, c'était évident : j'étais faite pour être infirmière !

Des études en alternance, des cours portant sur le médical ET le social (que j'apprécie également beaucoup !), moins d'années d'études, une offre d'emploi importante, des possibilités de spécialisation, et surtout, des possibilité de partir faire de l'humanitaire (ce que je me suis promis de faire).

Je me suis donc mise à réviser pour le concours d'entrée. Je le pensais facile. J'ai tout de même beaucoup réviser pour l'avoir. Mes efforts ont été récompensés, car je me suis retrouvée dans le Top 10 du classement ! Quelle fierté ! Ne vaut-il pas mieux que je sois une bonne infirmière plutôt qu'un mauvais médecin ?