A peine rentrée de vacances, et fini mes partiels, j'attaque un nouveau stage !
Ma formatrice référente m'a dit "tu vas sûrement adoré ! Beaucoup de soins techniques, et le fait de devoir s'adapter à des environnements différents, tu aimeras forcément !". Hum, pourquoi pas !
Le stage a commencé depuis 3 jours ! Je travaille d'abord avec les aide-soignantes. Je vois toutes ces sondes urinaires, toutes ces perfusions me passer sous le nez sans pouvoir y toucher. Je bous d'impatience !
Pour clarifier les choses, qu'est-ce qu'une H.A.D ?
= Hospitalisation à Domicile.
Vous me direz : ben, s'il est à domicile, il n'est pas hospitalisé ! J'ai eu la même réaction... En fait, c'est comme si les patients étaient à l'hôpital, mais ils sont chez eux. Les aide-soignantes passent plusieurs fois par jour, pareil pour l'infirmière. Le médecin passe régulièrement. Ils ont un lit mécanique, un lève-malade, tout le matériel nécessaire aux soins à portée de main... Bref !
Bon, la plupart du temps, ça se passe bien. Les patients sont relativement sympas. Bon quelques exceptions, comme d'habitude !
Mme R. par exemple.
Accompagnée d'une aide-soignante, Clémentine, je rentre chez la dame. Une grande maison dans le centre de la ville. A peine la porte d'entrée franchie, ça sent déjà... le vieux. Comme quoi, pas la peine d'aller en maison de retraite pour savoir comment on finira !
Bref, une vieille maison bourgeoise, décorée comme dans les années 50. J'ai eu l'impression de remonter le temps, comme si celui-ci s'était arrêté depuis des années dans cet endroit.
"Bonjour madame !"
Madame a une démence sénile. Elle peut être très gentille, comme elle peut totalement délirer.
Ce jour là n'était pas le bon.
Nous commençons à faire la toilette. Madame est très réticente, persuadée que nous allons montrer notre face sadique et nous défouler sur elle. Je lui explique gentiment que nous sommes là pour l'aider à se laver, qu'elle ne doit pas avoir peur. Elle me regarde droit dans les yeux, et me dit "Vous mentez ! Votre visage transpire le mensonge !"
Clémentine essaie de tourner la dame vers moi afin de lui laver le dos et les fesses (le mélange couche déchirée + selles = BAGDAD). Madame R attrape mon bras d'une main, et ma hanche de l'autre. Elle enfonce ses ongles dans ma peau, et me dit d'une voix sèche "c'est grassouillet tout ça ! Faudrait en donner un peu à votre collègue !". Merci, j'y songerais...
De temps en temps, quelques petites remarques, nous laissant penser que nous faisons très mal notre travail :
- "ah, si ma fille était là, elle verrait tout ça !"
- "j'en parlerais à mon médecin ! C'est honteux !"
- "lavez-moi le trou du cul au lieu d'avoir l'air d'en être un !"
Mais sinon, ça va !
Parlons de Monsieur et Madame G.
Je suis avec Annie, une aide-soignante. Nous arrivons pour la première fois chez ce couple pour faire la toilette du monsieur. Ils habitent dans un vieil immeuble. Pas de noms sur les sonnettes. Nous en essayons une au hasard. Bingo. Une vieille femme portugaise vient nous ouvrir. Elle est toute petite, en surpoids. Son caniche la suit en aboyant.
"Bonjour madame ! On est les aide-soignantes ! On vient faire la toilette de votre mari !"
"Olá! entrar! meu marido está na cama!" nous dit-elle.
Euh...
Nous entrons donc dans l'appartement. Un appartement relativement précaire. Pas de cuisinière ni de four, mais une sorte de cheminée où madame fait cuire ses petits repas. Pas de machine à laver, mais un petit lavoir dans la cour. Le ménage n'a pas du être fait depuis quelques années. Les araignées ont élu domicile dans tous les recoins de la pièce principale. Par contre, les deux écrans plats posés l'un à côté de l'autre sur un meuble font tâche dans cet environnement !
Nous entrons dans la chambre de monsieur. Il est installé sur son lit. Il essaie de nous dire quelque chose, mais ne parlant pas plus français que sa femme, nous ne comprenons rien.
Je vais chercher de l'eau pour la toilette dans la "salle de bain". Surprise ! Il y a de l'eau chaude !
Nous commençons donc la toilette, quelque peu frustrées par le manque de communication possible.
Annie se met à lui nettoyer les fesses. Elles sont très abîmées. Je pense tout d'abord à un manque d'oxygénation de la peau due à l'alitement.
Annie s'arrête, me regarde et me dit : "je ne trouve pas son anus !"
"Il doit bien être quelque part ! D'où sortiraient ces selles sinon ?"
Elle se met donc à le chercher, et le trouve juste sous les bourses. Nous essayons de questionner Madame G. Elle nous explique tant bien que mal que son mari, à l'âge de 4 ans, est tombé dans un feu de cheminée. A l'époque (surtout au Portugal), la chirurgie plastique ne devait pas être très développée. La peau et la forme des fesses de Monsieur G. se sont donc reconstruites naturellement, avec une légère aide des médecins portugais des années 30.
C'est quand même la première fois que je vois un anus disparaître !
Oh ! J'oubliais ! J'ai revu Madame R !
Elle m'a dit avec un regard rempli de tendresse : "Oh, j'aime vous voir ! Vous êtes tellement gentille ! Qu'est-ce que je ferais sans vous ?" et "Vous me dites la vérité, j'en suis sûre. Vous dites tout le temps la vérité, ça se voit sur votre visage !".
Faudrait savoir ! :)
Ça y est. Le moment que je redoutais le plus depuis mon entrée à l'IFSI est arrivé.
"Monsieur S. est décédé il y a une heure. Il faut aller le dépiquer et parler avec la famille. Tu t'en sens capable ou tu préfères rester dans la voiture ?"
Je prends mon courage à deux mains, me prépare à "sauter le pas", et accepte de l'accompagner. Il faut bien une première fois.
La maison qui d'habitude est bruyante, toujours lumineuse malgré un père de famille en très mauvais état de santé, est désormais sombre. Nous entrons, quelques membres de la famille sont là. Les "bonjours" chaleureux se sont transformés en murmures. Aucune pleure, ils s'y attendaient tous. Nous rentrons dans la chambre. Monsieur S. est allongé sur son lit. J'aurai imaginé une personne paisible, ne souffrant plus, avec un sourire de soulagement sur les lèvres. J'avais tort.
Je m'approche de lui, lui prend la main pour la replacer. Elle est froide. Son corps entier est d'une extrême pâleur. Le côté humain est totalement parti et j'ai l'impression d'être face à une poupée. Son visage reflète les sentiments ressentis durant les dernières minutes, notamment la douleur. Je n'ai pas envie de pleurer, contrairement à ce que je m'attendais.
Nous rentrons dans la cuisine et discutons avec la femme de Monsieur S..
Elle se sent soulagée. Elle nous parle de ces derniers moments, très durs moralement, nous parle également de "l'avant maladie".
Ce qui est difficile dans ce genre de situation, ce n'est pas la mort en elle-même, mais la souffrance de ceux qui restent. Les voir démunis, malgré la préparation, l'attente presque voulue de cette fin...
Bref, il y a mieux quand même comme première fois !
En parlant de première fois, il y en a eu une autre : Ma première prise de sang en stage ! Vous allez me dire "seulement ? En fin de deuxième année ?!".
Je m'étais quand même entraînée avant sur ma mère ! (merci Maman de m’avoir laissée détruire tes belles veines !).
"Oh, il y a une prise de sang à faire chez Mr K.. Tu veux la faire ?
- Euh... oui, je veux bien essayer.
- Tu en as déjà fait ?
- Non."
Nous entrons chez Mr K.. L'infirmière commence à lui faire son pansement. "Tu peux faire la prise de sang pendant ce temps-là !". Ah bon ? Comme-ça ? Toute seule ?
Je me remémore le soin, prépare mon matériel en conséquence.
Tout est prêt. Je n'ose pas commencer.
"Vas-y ! Lance-toi !" me dit l'infirmière en souriant afin de me rassurer.
"C'est la première fois que vous faites ça ?" demande le patient.
L'infirmière et moi répondons en coeur "Non !"
Je pose le garrot, tâte la veine, désinfecte, retâte la veine, redésinfecte, 4 ou 5 fois de suite.
"Oui oui, me dit Mr K. C'est bien cette veine là !".
Il me stress.
"C'est pour être sure !"
Aller, je pique. Avec ce dispositif, impossible de savoir tout de suite si on est bien dans la veine. Je mets le tube. Pas de sang ! Oh non !!!! Je bouge délicatement l'aiguille sous la peau. BINGO ! Un jet de sang ! J'explose de joie intérieurement ! J'entends dans ma tête un orchestre qui joue à ma réussite, une foule qui applaudit, des personnes qui chantent "Elle l'a fait, elle a réussi !".
Je remplis plusieurs tubes, retire l'aiguille, etc...
Mince ! Je lui ai fait un ÉNORME bleu ! Tant pis. En même temps, il est traité par anticoagulants, ce n'est pas tout à fait ma faute !
Une fois le pansement fini, nous sortons de chez Mr K.
J'attends les félicitations de l'infirmière sur mon exploit.
Rien.
Je lui demande "Je m'en suis bien sorti ?..
- Oui oui, ça a été !"
C'est tout ? Tant pis ! J'appellerais tous les contacts de mon répertoire en rentrant chez moi pour le dire à tout le monde !
Il en faut peu pour être heureux !
Oh ! J'oubliais ! J'ai revu Madame R !
Elle m'a dit avec un regard rempli de tendresse : "Oh, j'aime vous voir ! Vous êtes tellement gentille ! Qu'est-ce que je ferais sans vous ?" et "Vous me dites la vérité, j'en suis sûre. Vous dites tout le temps la vérité, ça se voit sur votre visage !".
Faudrait savoir ! :)
Ça y est. Le moment que je redoutais le plus depuis mon entrée à l'IFSI est arrivé.
"Monsieur S. est décédé il y a une heure. Il faut aller le dépiquer et parler avec la famille. Tu t'en sens capable ou tu préfères rester dans la voiture ?"
Je prends mon courage à deux mains, me prépare à "sauter le pas", et accepte de l'accompagner. Il faut bien une première fois.
La maison qui d'habitude est bruyante, toujours lumineuse malgré un père de famille en très mauvais état de santé, est désormais sombre. Nous entrons, quelques membres de la famille sont là. Les "bonjours" chaleureux se sont transformés en murmures. Aucune pleure, ils s'y attendaient tous. Nous rentrons dans la chambre. Monsieur S. est allongé sur son lit. J'aurai imaginé une personne paisible, ne souffrant plus, avec un sourire de soulagement sur les lèvres. J'avais tort.
Je m'approche de lui, lui prend la main pour la replacer. Elle est froide. Son corps entier est d'une extrême pâleur. Le côté humain est totalement parti et j'ai l'impression d'être face à une poupée. Son visage reflète les sentiments ressentis durant les dernières minutes, notamment la douleur. Je n'ai pas envie de pleurer, contrairement à ce que je m'attendais.
Nous rentrons dans la cuisine et discutons avec la femme de Monsieur S..
Elle se sent soulagée. Elle nous parle de ces derniers moments, très durs moralement, nous parle également de "l'avant maladie".
Ce qui est difficile dans ce genre de situation, ce n'est pas la mort en elle-même, mais la souffrance de ceux qui restent. Les voir démunis, malgré la préparation, l'attente presque voulue de cette fin...
Bref, il y a mieux quand même comme première fois !
En parlant de première fois, il y en a eu une autre : Ma première prise de sang en stage ! Vous allez me dire "seulement ? En fin de deuxième année ?!".
Je m'étais quand même entraînée avant sur ma mère ! (merci Maman de m’avoir laissée détruire tes belles veines !).
"Oh, il y a une prise de sang à faire chez Mr K.. Tu veux la faire ?
- Euh... oui, je veux bien essayer.
- Tu en as déjà fait ?
- Non."
Nous entrons chez Mr K.. L'infirmière commence à lui faire son pansement. "Tu peux faire la prise de sang pendant ce temps-là !". Ah bon ? Comme-ça ? Toute seule ?
Je me remémore le soin, prépare mon matériel en conséquence.
Tout est prêt. Je n'ose pas commencer.
"Vas-y ! Lance-toi !" me dit l'infirmière en souriant afin de me rassurer.
"C'est la première fois que vous faites ça ?" demande le patient.
L'infirmière et moi répondons en coeur "Non !"
Je pose le garrot, tâte la veine, désinfecte, retâte la veine, redésinfecte, 4 ou 5 fois de suite.
"Oui oui, me dit Mr K. C'est bien cette veine là !".
Il me stress.
"C'est pour être sure !"
Aller, je pique. Avec ce dispositif, impossible de savoir tout de suite si on est bien dans la veine. Je mets le tube. Pas de sang ! Oh non !!!! Je bouge délicatement l'aiguille sous la peau. BINGO ! Un jet de sang ! J'explose de joie intérieurement ! J'entends dans ma tête un orchestre qui joue à ma réussite, une foule qui applaudit, des personnes qui chantent "Elle l'a fait, elle a réussi !".
Je remplis plusieurs tubes, retire l'aiguille, etc...
Mince ! Je lui ai fait un ÉNORME bleu ! Tant pis. En même temps, il est traité par anticoagulants, ce n'est pas tout à fait ma faute !
Une fois le pansement fini, nous sortons de chez Mr K.
J'attends les félicitations de l'infirmière sur mon exploit.
Rien.
Je lui demande "Je m'en suis bien sorti ?..
- Oui oui, ça a été !"
C'est tout ? Tant pis ! J'appellerais tous les contacts de mon répertoire en rentrant chez moi pour le dire à tout le monde !
Il en faut peu pour être heureux !