Pages

samedi 20 octobre 2012

Salle de réveil


On y est. La troisième et dernière année a commencé. Et avec elle, le cinquième stage.

La salle de réveil 

J’effectue donc mon stage en SSPI (salle de surveillance post-interventionnelle) au CHU.

Premier jour : J’entre dans le vestiaire, troque ma « belle » blouse blanche pour une tenue verte et une charlotte bleue ... 
... et m’apprête à entrer dans le cœur de l’hôpital : le bloc opératoire, constitué de diverses pièces où un tas de personnes habillées de la même manière se bousculent de tous les côtés. Ils on l’air de tous se connaître, s’apprécient tous, et me regardent comme un intrus dans une fourmilière. Je ne sais pas trop où aller. Je trouve finalement la salle de réveil et me présente, comme à chaque début de stage « bonjour ! Je suis Flavie, étudiante infirmière ».
C’est une grande salle, remplie de lits, des patients branchés de tous les côtés (tension, sat, perfusions…). Il y a des chiffres partout, je suis TOTALEMENT perdue !  Et tous ces petits hommes verts courent dans tous les sens ! Ai-je atterri sur Mars ?

On me prend tout de suite en charge, et je comprends vite que ma mission pour les prochains jours sera de suivre comme un petit chien une infirmière tout en posant un tas de questions pour avoir l’air très intéressée.
Au programme de ce stage : surveillance des effets indésirables de l’anesthésie et de l’intervention.

Grâce à mes recherches (et à mes observations), j’ai appris que l’anesthésie peut provoquer une désorientation spatio-temporelle lors du réveil. Mme B., opérée d’une hernie discale :
-          « Ce n’est pas la peine de me rhabiller, je m’en vais ! Laissez-moi partir !
-         -  Mais Madame, vous êtes à l’hôpital…
-         -  A l’hôpital ? N’importe quoi ! Je ne reviendrais jamais dans votre magasin !
-         - Un magasin ? Non non, vous êtes à l’hôpital ! A votre avis, pourquoi on est habillées comme ça ?
-         - Si vous voulez faire rire les enfants en vous habillant en schtroumpf, c’est votre choix ! Moi ça ne me fait pas rire ! Quand mon mari va voir tout ce que vous m’avez fait, il va gueuler, ça c’est sûr ! »



Je ne voudrais pas porter de jugement, mais certains médecins sont beaucoup trop hautains à mon goûts (chers docteurs, vous n’êtes pas Dieu, et vous faites caca comme tout le monde, non ?) .
Je prenais en charge une patiente. Elle était réveillée, elle allait bien, prête à retourner dans sa chambre. Il ne me manquait plus que la signature de l’anesthésiste pour que j’appelle le service afin que je puisse enfin prendre ma pause déjeuné (à 14h…). Je l’aperçois. Une très vieille dame. Elle me parait gentille. Je me dirige donc vers elle, souriante :
-          « Excusez-moi Madame. Pouvez-vous signer la sortie de ma patiente s’il vous plait ?
-        -  Vous êtes qui ?
-         - Flavie, je suis étudiante infirmière.
-         - C’est urgent ?
-         - Euh… Non, enfin…
-         - Et bien je n’ai pas le temps. J’ai d’autres choses à faire »
(Merci pour la patiente étendue sur son lit à un mètre de là).

J’attends donc, ne sachant pas trop quoi faire, en écoutant mon estomac vide porter plainte.
Soudain, deux infirmières entrent dans la salle. « Bonjour, on vient chercher Mme C. »
L’infirmier présent me demande donc préparer la dame et de faire les transmissions aux nouvelles arrivantes.
-          « Mais, je n’ai pas la signature du médecin… 
-        -  Et bien, dépêche-toi, va la chercher au bloc. »
Munie de ma feuille sur laquelle devait être inscrite cette fameuse signature, je me rends vers la salle d’opération dont j’ignore totalement où elle se trouve. Par chance, je tombe sur un infirmier anesthésiste très aimable qui m’emmène vers le Diable.
« Eh, la petite étudiante veut ta signature ! »
« Oui et bien qu’elle attende, je ne peux pas faire 3 choses en même temps » (décidément, tant de différences avec Dieu…).
Je passe donc 30 min, debout comme un piquet, à attendre la vieille dame. Elle sort enfin :
« Qu’est-ce que vous voulez ? »
Je lui explique donc encore une fois ma requête.
« Ecoutez mademoiselle. Je suis un bon médecin. Je veux voir la patiente pour l’examiner avant qu’elle sorte! Attendez-moi en salle de réveil, j’arrive. »
Exaspérée, je retourne donc auprès de ma patiente. Surprise ! Elle n’est plus là. Panique générale dans ma petite tête d’étudiante.
« Où est Madame C ???? L’anesthésiste arrive pour la faire sortir !! »
L’infirmier m’explique qu’il l’a renvoyée dans le service. J’aperçois le Diable arriver. Je m’attends à recevoir la foudre sur moi, je suis démunie, je ne sais pas quoi faire. Il me dit : « va prendre ta pause, je m’en occupe». Je sors donc discrètement du service en entendant les cris de la vieille dame folle de rage derrière mon dos. Ouf ! J’ai apprécié mon repas… et j’aime de moins en moins travailler avec des médecins !


Sinon, dans le genre du patient délirant, on a ça :
- "Comment allez-vous monsieur ? La douleur, ça va ? Vous n'avez pas trop mal ?
- Non, ça va. Et vous ?"

"Flavie, n'oublie pas de vérifier la conscience de ton patient.
- Ne vous inquiétez madame, dit le patient souriant, je suis assez conscient pour donner mon numéro de téléphone à la petite stagiaire"

La technologie au service de la santé et du bien-être.
Ce que la plupart des gens ne savent pas, c'est qu'à l'hôpital, on est branché High-tech !
Il suffit de voir les internes et les médecins se montrer leurs I-pad : "Tiens, regarde ce scanner, tu en penses quoi ?". Que serait un chirurgien au bloc sans sa playlist I-tune, apparaissant sur l'immense écran Apple collé au mur, juste à côté de ce beau cliché radio de la vertèbre C5 qu'il vient de prendre ?

Mais alors, le must du must, surtout en cette belle saison d'hiver, c'est quand même le four à draps ! Et oui, je n'ai pas honte de l'avouer, j'enfile régulièrement une chemise de malade toute fleurie sortant directement de ce coffre, parce qu'en vrai, il fait SUPER FROID au bloc ! (par contre, il n'y aura pas de photo...)

Le bloc opératoire, un monde pas comme les autres.
Ca y est, j'ai enfin réalisé un de mes rêves. Assister à une opération du cerveau (vous penserez sûrement que je suis bizarre comme fille).
On me propose de passer une journée au bloc opératoire, soit en chirurgie orthopédique, soit en neurochirurgie. Le choix est vite fait...
Je commence donc ma journée par un glioblastome (tumeur cérébrale). Je suis toute excitée ! Après avoir endormi puis intubé la patiente, les chirurgiens commencent. Ca ressemble beaucoup à Grey's Anatomy (pour mon plus grand plaisir). Ils incisent, créent une "fenêtre" dans le crâne, et là... LE CERVEAU. Un beau  cerveau humain en vie, qui bat au rythme des pulsations cardiaques ! En creusant un petit peu, ils tombent vite sur la tumeur. Ils l'extirpent avec une sorte de mini pince à épiler. C'est assez répugnant, j'ai du mal à garder mon petit déj' dans mon estomac.
Au bout de quelques heures, il referment. Tout c'est bien passé, hormis le fait que le glioblastome ne puisse se soigner avec la chirurgie (un simple traitement palliatif, pour gagner quelques mois de plus)...

Je passe directement dans la salle opératoire d'à côté : une prothèse cervicale. Pour assister à l'intervention, il faut porter un tablier de plomb (à cause des irradiations des radios faites pendant l'opération). Faut pas croire, mais ce truc pèse trois tonnes ! Et avec la chance de dingue que j'ai (et mon petit 1m60), il ne restait plus qu'un tablier, LE tablier le plus grand de la salle. Debout pendant 2 heures en portant ça, c'est insupportable.
Le chirurgien plante une aiguille dans le cou de la patiente (après l'avoir endormie bien sûr). Première radio : il n'est pas dedans. Il bouge l'aiguille. Deuxième radio : toujours pas. Il retente. Radio : c'est bon, l'aiguille est entre les deux bonnes vertèbres !
Il injecte donc un produit bleu pour bien se situer pendant l'intervention et ne pas opérer les mauvaises vertèbres.
Il commence à ouvrir, avec pour musique de fond Video Game de Lana Del Rey (un peu glauque pour cette situation...). Il creuse les muscles et arrive au niveau de la colonne vertébrale qui est donc... bleue.
Voir la moelle épinière de quelqu'un de vivant, c'est impressionnant. Mais voir la moelle épinière BLEUE de quelqu'un de vivant, c'est encore plus dingue. Il aurait opéré un schtroumpf, c'était pareil (enfin je crois).
Après avoir retiré l'hernie et placé la prothèse entre les deux vertèbres, il referme.
Il est 15h30, je vais manger.

Je reviens 30 minutes après pour la dernière opération de la journée, un anévrisme !
Tout le monde s'agite dans la salle, c'est une intervention délicate. L'infirmier anesthésiste endort la patiente, l'IBODE installe tout le matériel nécessaire.
Le chirurgien incise enfin et ouvre la boîte crânienne. A l'aide d'outils, il écarte les différentes parties du cerveau une à une.
"Vous voyez ça ? C'est le nerf optique"
Oh mon Dieu !
Et là, BINGO. Ca saigne ! Beaucoup !
"Puis-je avoir le suceur à trou s'il te plait ?"
Le quoi ???!
Il aspire donc le sang avec cet engin, mais ne trouve pas la source de l'hémorragie. Il commence à s’énerver  Ca saigne beaucoup trop.
"Appelez le Docteur G. s'il vous plait"
Le "patron" arrive.
"Bon montre moi ça."
En quelques tours de pincettes, il trouve la source, et arrête le saignement.
Et là...
"Vous voyez ce gros truc blanc ?"
Oui ? Un gros nerf ?
"C'est la carotte"
La carotte... o_O
"La carotide"
Carotide = artère = rouge...? Ah ben non, blanc... J'aurai fait un très mauvais chirurgien... J'aurai pu la chercher longtemps celle-là.
L'anevrisme était juste là.
Forcément, je m'attends à une manipulation extrêmement difficile. Mais non. Il pose sur l’anévrisme un tout petit clip, et il referme. Voilà.
Bref, j'aurai passé ma journée debout dans le froid des salles d'opération, mais c'était encore mieux qu'une journée à Disney !


OH ! Vous vous souvenez de la vieille anesthésiste "super aimable" ?
Et bien, même scénario.
Il est 20h, j'ai besoin de sa signature pour la sortie de ma patiente. Je me dirige donc vers le bloc pour la trouver. Ayant retenu la leçon ("Je suis un bon médecin. Je veux voir la patiente pour l’examiner avant qu’elle sorte! "), je ne prends pas la fiche de soins du patient.
Je la trouve en salle 5, en train de discuter.
Moi, toute timide : "Excusez-moi de vous déranger Madame, cela serait-il possible que vous veniez signer la sortie d'une de vos patiente ?"
Elle, toute souriante : "Bien-sûr ! Mais vous auriez du ramener la feuille, je l'aurai signer ici. Enfin ce n'est pas grave, j'arrive tout de suite !"
Chers médecins, JE NE VOUS COMPRENDS PAS !

Comment avoir l'air complètement ridicule devant une horde de médecins ?
Je prends en charge un vieux monsieur. On l'amène en salle de réveil. Il est encore endormi et intubé. Je l'installe, le branche au scope.
Je lui prends la température dans l'oreille droite. 34.7°. Bizarre... J'essaie donc l'autre oreille, sans contourner le patient. Je ne la trouve pas.
Un des 5 médecins réunis autours du patient me dit :
"Il n'a pas d'oreille à gauche..."
Et mince...



jeudi 23 février 2012

H.A.D., ou les joies du domicile

A peine rentrée de vacances, et fini mes partiels, j'attaque un nouveau stage !
Ma formatrice référente m'a dit "tu vas sûrement adoré ! Beaucoup de soins techniques, et le fait de devoir s'adapter à des environnements différents, tu aimeras forcément !". Hum, pourquoi pas !

Le stage a commencé depuis 3 jours ! Je travaille d'abord avec les aide-soignantes. Je vois toutes ces sondes urinaires, toutes ces perfusions me passer sous le nez sans pouvoir y toucher. Je bous d'impatience ! 




Pour clarifier les choses, qu'est-ce qu'une H.A.D ? 
                  = Hospitalisation à Domicile.
Vous me direz : ben, s'il est à domicile, il n'est pas hospitalisé ! J'ai eu la même réaction... En fait, c'est comme si les patients étaient à l'hôpital, mais ils sont chez eux. Les aide-soignantes passent plusieurs fois par jour, pareil pour l'infirmière. Le médecin passe régulièrement. Ils ont un lit mécanique, un lève-malade, tout le matériel nécessaire aux soins à portée de main... Bref ! 

Bon, la plupart du temps, ça se passe bien. Les patients sont relativement sympas. Bon quelques exceptions, comme d'habitude ! 
Mme R. par exemple. 
Accompagnée d'une aide-soignante, Clémentine, je rentre chez la dame. Une grande maison dans le centre de la ville. A peine la porte d'entrée franchie, ça sent déjà... le vieux. Comme quoi, pas la peine d'aller en maison de retraite pour savoir comment on finira !
Bref, une vieille maison bourgeoise, décorée comme dans les années 50. J'ai eu l'impression de remonter le temps, comme si celui-ci s'était arrêté depuis des années dans cet endroit. 
"Bonjour madame !"
Madame a une démence sénile. Elle peut être très gentille, comme elle peut totalement délirer.
Ce jour là n'était pas le bon.
Nous commençons à faire la toilette. Madame est très réticente, persuadée que nous allons montrer notre face sadique et nous défouler sur elle. Je lui explique gentiment que nous sommes là pour l'aider à se laver, qu'elle ne doit pas avoir peur. Elle me regarde droit dans les yeux, et me dit "Vous mentez ! Votre visage transpire le mensonge !"
Clémentine essaie de tourner la dame vers moi afin de lui laver le dos et les fesses (le mélange couche déchirée + selles = BAGDAD). Madame R attrape mon bras d'une main, et ma hanche de l'autre. Elle enfonce ses ongles dans ma peau, et me dit d'une voix sèche "c'est grassouillet tout ça ! Faudrait en donner un peu à votre collègue !". Merci, j'y songerais...

De temps en temps, quelques petites remarques, nous laissant penser que nous faisons très mal notre travail :
- "ah, si ma fille était là, elle verrait tout ça !"
- "j'en parlerais à mon médecin ! C'est honteux !"
- "lavez-moi le trou du cul au lieu d'avoir l'air d'en être un !"

Mais sinon, ça va ! 



Parlons de Monsieur et Madame G

Je suis avec Annie, une aide-soignante. Nous arrivons pour la première fois chez ce couple pour faire la toilette du monsieur. Ils habitent dans un vieil immeuble. Pas de noms sur les sonnettes. Nous en essayons une au hasard. Bingo. Une vieille femme portugaise vient nous ouvrir. Elle est toute petite, en surpoids. Son caniche la suit en aboyant. 
"Bonjour madame ! On est les aide-soignantes ! On vient faire la toilette de votre mari !"
"Olá! entrar! meu marido está na cama!" nous dit-elle. 
Euh...

Nous entrons donc dans l'appartement. Un appartement relativement précaire. Pas de cuisinière ni de four, mais une sorte de cheminée où madame fait cuire ses petits repas. Pas de machine à laver, mais un petit lavoir dans la cour. Le ménage n'a pas du être fait depuis quelques années. Les araignées ont élu domicile dans tous les recoins de la pièce principale. Par contre, les deux écrans plats posés l'un à côté de l'autre sur un meuble font tâche dans cet environnement !
Nous entrons dans la chambre de monsieur. Il est installé sur son lit. Il essaie de nous dire quelque chose, mais ne parlant pas plus français que sa femme, nous ne comprenons rien. 
Je vais chercher de l'eau pour la toilette dans la "salle de bain". Surprise ! Il y a de l'eau chaude !
Nous commençons donc la toilette, quelque peu frustrées par le manque de communication possible.
Annie se met à lui nettoyer les fesses. Elles sont très abîmées. Je pense tout d'abord à un manque d'oxygénation de la peau due à l'alitement. 
Annie s'arrête, me regarde et me dit : "je ne trouve pas son anus !"
"Il doit bien être quelque part ! D'où sortiraient ces selles sinon ?"
Elle se met donc à le chercher, et le trouve juste sous les bourses. Nous essayons de questionner Madame G. Elle nous explique tant bien que mal que son mari, à l'âge de 4 ans, est tombé dans un feu de cheminée. A l'époque (surtout au Portugal), la chirurgie plastique ne devait pas être très développée. La peau et la forme des fesses de Monsieur G. se sont donc reconstruites naturellement, avec une légère aide des médecins portugais des années 30. 


C'est quand même la première fois que je vois un anus disparaître ! 


Oh ! J'oubliais ! J'ai revu Madame R !
Elle m'a dit avec un regard rempli de tendresse : "Oh, j'aime vous voir ! Vous êtes tellement gentille ! Qu'est-ce que je ferais sans vous ?" et "Vous me dites la vérité, j'en suis sûre. Vous dites tout le temps la vérité, ça se voit sur votre visage !".
Faudrait savoir ! :)



Ça y est. Le moment que je redoutais le plus depuis mon entrée à l'IFSI est arrivé.
"Monsieur S. est décédé il y a une heure. Il faut aller le dépiquer et parler avec la famille. Tu t'en sens capable ou tu préfères rester dans la voiture ?"
Je prends mon courage à deux mains, me prépare à "sauter le pas", et accepte de l'accompagner. Il faut bien une première fois.
La maison qui d'habitude est bruyante, toujours lumineuse malgré un père de famille en très mauvais état de santé, est désormais sombre. Nous entrons, quelques membres de la famille sont là. Les "bonjours" chaleureux se sont transformés en murmures. Aucune pleure, ils s'y attendaient tous. Nous rentrons dans la chambre. Monsieur S. est allongé sur son lit. J'aurai imaginé une personne paisible, ne souffrant plus, avec un sourire de soulagement sur les lèvres. J'avais tort.
Je m'approche de lui, lui prend la main pour la replacer. Elle est froide. Son corps entier est d'une extrême pâleur. Le côté humain est totalement parti et j'ai l'impression d'être face à une poupée. Son visage reflète les sentiments ressentis durant les dernières minutes, notamment la douleur. Je n'ai pas envie de pleurer, contrairement à ce que je m'attendais.
Nous rentrons dans la cuisine et discutons avec la femme de Monsieur S..
Elle se sent soulagée. Elle nous parle de ces derniers moments, très durs moralement, nous parle également de "l'avant maladie".
Ce qui est difficile dans ce genre de situation, ce n'est pas la mort en elle-même, mais la souffrance de ceux qui restent. Les voir démunis, malgré la préparation, l'attente presque voulue de cette fin...

Bref, il y a mieux quand même comme première fois !


En parlant de première fois, il y en a eu une autre : Ma première prise de sang en stage ! Vous allez me dire "seulement ? En fin de deuxième année ?!".
Je m'étais quand même entraînée avant sur ma mère ! (merci Maman de m’avoir laissée détruire tes belles veines !).

"Oh, il y a une prise de sang à faire chez Mr K.. Tu veux la faire ?
- Euh... oui, je veux bien essayer.
- Tu en as déjà fait ?
- Non."

Nous entrons chez Mr K.. L'infirmière commence à lui faire son pansement. "Tu peux faire la prise de sang pendant ce temps-là !". Ah bon ? Comme-ça ? Toute seule ?
Je me remémore le soin, prépare mon matériel en conséquence.
Tout est prêt. Je n'ose pas commencer.
"Vas-y ! Lance-toi !" me dit l'infirmière en souriant afin de me rassurer.
"C'est la première fois que vous faites ça ?" demande le patient.
L'infirmière et moi répondons en coeur "Non !"

Je pose le garrot, tâte la veine, désinfecte, retâte la veine, redésinfecte, 4 ou 5 fois de suite.
"Oui oui, me dit Mr K. C'est bien cette veine là !".
Il me stress.
"C'est pour être sure !"
Aller, je pique. Avec ce dispositif, impossible de savoir tout de suite si on est bien dans la veine. Je mets le tube. Pas de sang ! Oh non !!!! Je bouge délicatement l'aiguille sous la peau. BINGO ! Un jet de sang ! J'explose de joie intérieurement ! J'entends dans ma tête un orchestre qui joue à ma réussite, une foule qui applaudit, des personnes qui chantent "Elle l'a fait, elle a réussi !".
Je remplis plusieurs tubes, retire l'aiguille, etc...
Mince ! Je lui ai fait un ÉNORME bleu ! Tant pis. En même temps, il est traité par anticoagulants, ce n'est pas tout à fait ma faute !
Une fois le pansement fini, nous sortons de chez Mr K.
J'attends les félicitations de l'infirmière sur mon exploit.
Rien.
Je lui demande "Je m'en suis bien sorti ?..
- Oui oui, ça a été !"
C'est tout ? Tant pis ! J'appellerais tous les contacts de mon répertoire en rentrant chez moi pour le dire à tout le monde !

Il en faut peu pour être heureux !